KUTTNER-HOMS STANISLAS – Interpréter le De Signis de Nicétas Chôniastès

Interpréter le De Signis de Nicétas Chôniatès, ou : le mirage de l’historien
Stanislas Kuttner-Homs, Université de Caen Basse-Normandie.

            Dans l’œuvre de Nicétas Chôniatès, historien et orateur des XIIe-XIIIe siècles, le De signis, opuscule d’ekphraseis des statues antiques de Constantinople fondues par les croisés en 1204, peut être considéré comme le témoin d’une esthétique de la contrainte virtuose et de hauts standards littéraires. Ce texte a été employé comme source par de nombreux chercheurs, tant historiens qu’historiens de l’art (Reinach, Grecu, Cutler, Dagron, Papamastorakis), et encore tout récemment dans le projet « Byzantium1200 », projet de reconstitution virtuelle en 3 dimensions du paysage monumental de Constantinople (www.arkeo3d.com/byzantium1200). L’éclairage que nous souhaitons donner à ce texte est moins historiographique que littéraire : en partant d’une double source, les conclusions de Gilbert Dagron sur la relation des Byzantins aux statues et les travaux de Martin Steinrück qui montrent l’existence et le maintien de deux traditions opposées, le style catalogique et le style périodique de l’époque archaïque à l’époque byzantine, nous souhaiterions souligner le caractère poïétique, (auto)référentiel et théorique de certains passages du De signis. De fait, on peut déceler une lecture assez fine de ces deux traditions formelles décrites par Aristote (Rhétorique et Poétique), que Nicétas réutilise pour les mettre au service de sa prose dans une allégorie de la Rhétorique, qui ne représenterait donc pas une statue réelle mais une figure inventée pour les besoins de sa prosopopée. L’enjeu est une mise en évidence de nos concepts de norme, de vérité et de mensonge dans l’écriture de l’Histoire et, de ce fait, une tentative de comprendre les choix herméneutiques à opérer lors de la lecture et de l’étude d’un texte byzantin.

DELGADO AITOR – Capitis deminutio

Capitis deminutio : Exile, banishment and punishments to ambassadors during Justinian’s era
Aitor Fernández Delgado, Université de Alcalá de Henares.

The Sixth century, recently defined by Michael Maas as «Justinian’s era», is a key moment to understand the characteristic features of the Early Byzantine world. It is also a time in which the convulsive political circumstances promote a deep redefinition of the diplomatic activity, along with a significant increase of its volume, becoming so one of the main tools of the State regarding to his «foreign policy». Thereby, along this paper I pretend, within the framework of my doctoral thesis, about the «long sixth century» diplomacy and its implications and as part of the research project «Exiliados y desterrados en el Mediterráneo (siglos IV-VII) -HUM 2011/22631-»; to consider one of the hardest punishments of this historical context, from a diplomatic perspective: the exile or interdictio aquae et igni. First of all, I will depict the general scene of the Late Antique Roman diplomacy along this «long sixth century (491-630)», focusing on the main characters for its proper performance: the envoys. Considering them profile, juridical status and main pursuing goals, I will observe if they were susceptible of being punished or not because a diplomatic failure or because another reasons. If so, relying on the evidences provided by the written sources of the period, I will note the reasons why they were punished and the end of such penalties; considering, of course, the kind of punishments of which they could be object. Finally, and after having defined what is considered as exile and banishment, I will notice if among that possible kind of punishments it was applicable or not to the diplomatic corps.

NESSERIS ILIAS – The aenigmatic scribe Ioannikios revisited

The aenigmatic scribe Ioannikios (XIIth C.) revisited
Ilias Nesseris, Université de Ioannina.

 

THE EXISTENCE OF A HOSPITABLE ENVIRONMENT is without doubt one of the staple prerequisites for the sustenance and development of any kind of intellectual activities. Constantinople in the twelfth century, esp. during the Comnenian era, did indeed provide such a suitable background, which facilitated the prosperity of education. This is very well demonstrated by the operation of many schools of elementary and higher education, the teaching activities of many distinguished scholars (such as Theodore Prodromus or Eustathius of Thessalonica) and the existence of literary theatra. This rich milieu of the capital enabled and provided a vivid market for the copying and circulation of books, and therefore a number of individual scribes as well as scriptoria are attested. In fact, one of the most prolific scriptoria of this period was the one directed by the monk Ioannikios. Although he was initially placed in the fourteenth century by A.M. Bandini –a view later followed by others– it was aptly proven by Nigel G. Wilson on the basis of palaeographical grounds that Ioannikios was to be dated two centuries earlier. More than twenty-five manuscripts come from his scriptorium, most of them in fact from his own hand, and the number keeps rising in the last years, as more and more codices have been ascribed to him. What is very interesting is that the content of these manuscripts is mainly secular (Homer and the tragics, though Aristotle and Galen are predominant). Modern research has mainly focused on the copying activities of Ioannikios, while not so many aspects of his aenigmatic figure have been yet fully explored. With the present paper we aspire to bring forth more concrete evidence about his work and his identity.

JOUETTE JEAN-CYRIL – Les sorciers à Byzance

Les sorciers à Byzance aux XIe et XIIe siècles : des professions de foi aux « lynchages » politiques
Jean-Cyril Jouette, Université de Provence Aix-Marseille

 Si l’on en croit les propos de l’hagiographe Grégoire le Cellérier, il n’était pas rare de croiser des sorciers offrant leurs services dans la société byzantine du XIe siècle. À la lecture des annales de Nicétas Choniatès, nous pouvons faire le même constat pour le XIIe siècle. La plupart du temps, les sources de cette époque s’accordent à dire que ces sorciers embrassaient intentionnellement les « pouvoirs des ténèbres » pour arriver à leurs fins : nous verrons donc dans un premier temps les motivations de ces sorciers, le mode opératoire employé, les réussites des sortilèges et encore les conséquences de leurs actes selon l’orthodoxie. Puis dans un second temps, nous verrons comment l’accusation de sorcellerie eut un usage plus politique : à partir d’une confrontation des sources, donnant parfois des explications divergentes autour d’une affaire par exemple, nous nous concentrerons sur l’efficacité d’une telle accusation et les conséquences sociales et politiques qu’entraînait un tel jugement.

CALIA ANNA – Les Grecs au service de la Porte ottomane

Les Grecs au service de la Porte ottomane dans la 2ème moitié du XVe siècle
Anna Calia, Université de Saint-Marin / École pratique des hautes études.

La diaspora des élites byzantines après la chute de Constantinople en 1453 a été étudiée depuis longtemps, surtout en ce qui concerne sa relation avec la floraison de l’Humanisme et des études grecques en Occident. Pendant les dernières années de nombreuses études ont exploré le rôle joué par le Patriarcat œcuménique ainsi que par les aristocrates et les marchands grecs dans la transition byzantine-ottomane à Constantinople. Les ottomanistes ont aussi montré la centralité des convertis ou renégats issus des familles de l’élite byzantine dans le fonctionnement de l’administration et dans la construction de l’image impériale ottomane.

Encore peu connue est par contre la sort des Byzantins qui restèrent au service du sultan à Constantinople en tant que secrétaires, interprètes, chanceliers, copistes. Ils sont d’ailleurs attestés aussi dans plusieurs documents d’archives occidentales, étant donné que jusqu’à la fin du XVème siècle la chancellerie ottomane utilisait le grec dans les échanges avec les puissances occidentales et le medio-serbe avec Raguse et la Hongrie.

Sous le règne de Mehmed II la présence  des certains Byzantines dans la chancellerie ottomane était liée aussi aux intérêts littéraires du sultan. Parmi les autres figures, ressort celle de Jean Dokeianos, personnage emblématique de la transition byzantine-ottomane. Auteur de nombreuses compositions d’occasion pour Constantin XI et d’autres membres de la cour paléologue de Mistra, copiste et possesseur d’une bibliothèque remarquable, après la conquête ottomane du Péloponnèse en 1460 il préfère « le turban du sultan à la mitre romaine » devenant secrétaire et copiste de manuscrits – soit littéraires soit d’enseignement – dans le Palais ottoman. Au même temps il enseigne dans le Patriarcat tout en restant chrétien et anti-unioniste.

Ses œuvres, qui comprennent des épîtres, éloges et oraisons,  n’ont été publié que partiellement par Spyridon Lambros. Elles par contre nous donnent un aperçu du très vif débat intellectuel qui animait la cour paléologue à propos de l’éducation des souverains, de l’importance des modèles classiques, du destin de l’empire et de l’identité ethnique du despotat de Mistra à la première moitié du XVème siècle.