Résumés des Rencontres 2008

Ie édition des Rencontres annuelles des doctorants en études byzantines

12-13 septembre 2008

Institut National d’Histoire de l’Art (Paris)

 

Résumés des communications.

La périphérie Slave et le centre impérial – la comparaison du développement des entités politiques slaves dans les Balkans byzantins et l’Europe des Francs (VIe-IXe siècles).
Adam Izdebski (Université d’Oxford/Université de Varsovie)

L’invasion slave du VIe siècle a créé un grand problème pour Byzance. Le territoire proche du centre a dû être reconquis. Les Slaves tinrent cependant leurs positions durant plus de 200 ans. Il n’y eut pas d’initiative byzantine tendant à changer le statu quo; on n’observe aucun changement important parmi les Slaves. Au contraire, à la frontière des Francs, dès lors que l’on aperçoit la présence slave, on voit apparaître des quasi-États. Cette communication cherchera à comprendre si cette différence entre ces deux mondes est réelle ou si elle procède de la pauvreté des sources du côté byzantin.

 

L’État central et le ravitaillement des garnisons frontalières (IVe-VIIIe siècles).
Damien Glad (Université Paris I Panthéon-Sorbonne)

Avec la mise en place du système tétrarchique à la fin du IIIe siècle, Rome, centre historique, perd son importance politique et économique au profit de nouveaux centres déplacés en périphérie plus près des théâtres d’opérations militaires. Les réformes administratives vont avoir un impact sur les structures de ravitaillement de l’armée dont le centre de gravité des ateliers d’armes est ramené, le plus souvent, vers l’intérieur des terres dans de grandes cités fortifiées situées sur les principaux axes fluviaux et routiers. La principale innovation de Dioclétien sera de placer ces structures de ravitaillement sous le contrôle de la nouvelle bureaucratie. Il s’agira pour nous de s’interroger sur la dépendance ou l’autonomie des garnisons frontalières danubiennes par rapport à un réseau étatique constitué à l’échelle impériale. La division bilatérale de l’armée avec, d’une part, l’armée d’accompagnement de l’Empereur et, d’autre part, une armée périphérique de plus en plus attachés à la terre qu’elle défend, pose la question de savoir si ces deux armées bénéficient du même type de ravitaillement. A fortiori, transparaît derrière cette bipartition de l’armée la dépendance des périphéries par rapport au centre : la notitia dignitatum qui nous informe sur le système officiel des Fabricae et quelques exemples archéologiques (débarcadères, annona militaris) nous permettrons d’étudier cet état de fait.

Mais la notitia dignitatum ne témoigne que d’un réseau officiel centralisé, organisé et hiérarchisé qui ne doit pas cacher l’existence d’un réseau parallèle, à l’échelle locale, dont les sources écrites témoignent. Nous verrons quelques exemples archéologiques qui montreront que les garnisons frontalières, et pas uniquement celles-ci, ont conservées des capacités d’autonomie et qu’elles se sont données les moyens de se ravitailler lorsque le réseau officiel était interrompu par les incursions récurrentes. L’étude des activités artisanales et de productions des biens de consommation dans les structures à caractères militaires nous permettrons de quantifier l’autonomie des garnisons frontalières.

 

L’étrange affaire d’Omboi : réinterprétation du papyrus P. Cairo. Masp. 67004 dans le contexte des relations entre le centre et la périphérie de la Thébaïde du VIe siècle ap. J.-C.
Simon Ford (Université d’Oxford)

L’intention de cette communication est de reprendre les problèmes d’interprétation existants en analysant une pétition apparemment exceptionnelle contenue dans le P. Cairo. Masp. 67004, dans le contexte de l’interaction entre le centre et la périphérie : cela souligne sa valeur à la fois comme document original et comme source historique. En replaçant les questions que soulève le document dans le contexte historique de l’administration provinciale du VIe siècle ap. J.-C., nous chercherons à tirer des conclusions concernant les mécanismes rhétoriques et institutionnels par lesquels les provinciaux demandaient réparation aux autorités centrales.

 

L’autorité impériale dans les grands monastères de province (IXe-XIIe siècles).
Rosa Benoit-Meggenis (Université Lumière Lyon II)

Entre le IXe et le XIIe siècle, le pouvoir impérial byzantin joua un rôle déterminant dans le destin des grandes fondations monastiques en leur accordant des privilèges fiscaux et une protection constante face aux empiètements de l’administration et des évêques. Dans les monastères dits impériaux, dont il convient de préciser le statut juridique, l’empereur bénéficiait d’un droit de patronage qui lui conférait une autorité étendue : il contrôlait l’élection de l’higoumène, pouvait utiliser certains bâtiments comme lieu de résidence ponctuelle ou comme prison politique et disposer librement d’une partie des revenus de ces établissements. Les moines devaient aussi à l’empereur certaines obligations que l’on peut comparer aux services dus en Occident par les monastères royaux aux souverains carolingiens et ottoniens. Ainsi, à Byzance, les monastères impériaux de province pouvaient être astreints à des obligations de fournitures militaires. L’empereur pouvait intervenir dans la vie des moines en leur prodiguant ses recommandations, solliciter leurs higoumènes et leurs principaux officiers pour qu’ils lui apportent leurs conseils ou qu’ils effectuent des missions diplomatiques. Concrète dans les monastères de la capitale, la présence de l’empereur était manifestée, dans les monastères de province, par des attributs de son autorité, tels le bâton d’investiture impériale conservé dans le katholikon. L’iconographie, les icônes et la vaisselle liturgique offertes par l’empereur, la mention de son nom dans les diptyques, étaient autant de reflets de l’exercice de son autorité.

 

Les Passions des saintes femmes. Modèles de sainteté.
Maria Kanava (EPHE, Ve section)

Le but principal de cette recherche est un examen approfondi des textes de la littérature hagiographique, et plus particulièrement de ceux qui traitent de la Passion des Saintes Femmes. Nous pouvons présenter un corpus d’environ cent vingt textes relatifs à la femme martyre de l’époque protobyzantine. On se trouve face à une riche production littéraire dans laquelle la femme est mise en scène soit comme protagoniste, soit aux côtés d’un autre martyr homme.

Plus précisément cette recherche emprunte deux directions principales : l’une concerne la typologie des textes – par rapport au sujet du récit du document hagiographique – et l’autre la typologie de la sainteté – par rapport aux catégories des saintes eux-mêmes.

 

Le rapport de Judas Iscariote avec l’argent et le démon à travers des images byzantines et post-byzantines. Interrogations sur leur valeur symbolique.
Dimitra Mastoraki (Université Paris I Panthéon-Sorbonne)

Judas apparaît essentiellement dans des scènes reliées au cycle de la Passion mais aussi dans la Communion des Apôtres ainsi que dans le Jugement Dernier. D’autres lui sont propres : le Contrat avec les juifs, le Repentir, le Suicide.

Sa physionomie, ses attributs ses mouvements et son contact avec les autres, voire avec le Christ, sont abordés en rapport avec les sources écrites et certains exemples de l’iconographie occidentale. Une telle étude mène à des conclusions intéressantes sur la fonction de sa figure dans le cadre religieux de l’époque concernée. D’ailleurs, cette dernière n’est uniforme ni dans le temps, ni dans l’espace.

 

La Pentecôte : exemple d’exportation iconographique de la capitale vers sa périphérie, la Cappadoce.
Anaïs Lamesa (EPHE, 5e section)

La Pentecôte est un thème iconographique ancien qui est attesté au VIe siècle sur les ampoules de Monza ou dans le manuscrit syriaque de Rabulae Plut. I, 56 de la Bibliothèque Médicean-Laurentian. Ces premières représentations ne sont pourtant pas des prototypes puisque seuls quelques éléments iconographiques permettent d’identifier la scène. Il faudra attendre le IXe siècle et la commande du Paris. graec. 510 des Homélies de Grégoire de Nazianze pour voir se dessiner l’iconographie dite « classique » de la scène. Dans cette représentation, l’image d’un référent monumental est indéniable et semble avoir été prise comme modèle, laissant penser que le miniaturiste s’est inspiré d’une représentation existante pour réaliser son œuvre. Nous présenterons à cette occasion l’œuvre de référence de cette miniature et les éléments, pour certains inédits, qui permettent de l’affirmer. Nous définirons ainsi l’iconographie « développée » de la scène.

La scène de la Pentecôte est attestée dès le début du Xe siècle en Cappadoce, région frontalière de l’Empire. Elle se présente sous une forme simple jusqu’au milieu du siècle, quand apparaît l’aspect « développé » ou classique de notre type iconographique.

Ces nouvelles représentations de la Pentecôte en Cappadoce, apparaissant au milieu du Xe siècle, sont-elles issues du centre artistique qu’est Constantinople ? Par quels moyens ce type iconographique évolue t-il au sein des églises de la région ? Comment retracer son parcours entre la capitale et la Cappadoce ? Sa disparition à la fin du XIe siècle illustre le lien privilégié entre Constantinople et la Cappadoce aux Xe et XIe siècles. Nous pouvons ainsi mettre en valeur à partir de l’étude d’un thème iconographique les relations que pouvaient avoir un centre artistique et sa périphérie.

 

Tradition artistique byzantine et la Russie ancienne : les icônes de la Dormition.
Svetlana Sobkovitch (EPHE, 5e section)

La Russie ancienne entretint avec Byzance des liens variés, pourtant souvent coupés par des conflits. Il y avait cependant un lien particulièrement stable, celui du domaine du sacré. Dans son art religieux notamment, la Russie suivit les modèles reçus de Byzance et se nourrit de ses influences tout au long de son histoire. Parallèlement, l’éloignement et les coupures dans les relations rendirent possible l’apparition dans l’art russe d’éléments locaux.

Les premières images sacrées connues en Russie suivent de près les images byzantines ; ces œuvres sont soit importées soit créées sur place par des maîtres invités. C’est dans le travail des élèves russes de ces artistes étrangers qu’apparaissent avec le temps des traits originaux. Les influences byzantines se ressentent néanmoins toujours, jusque dans les œuvres les plus tardives ; on peut suivre cette tendance à travers un ensemble d’icônes de la Dormition de la Vierge.

Les premières icônes russes de la Dormition, datées des XIIIe-XIVe siècles, ont ainsi peu de spécificités locales mais ressemblent fort aux œuvres byzantines. Au tournant des XIVe et XVe siècles apparaissent des éléments distinctifs de la peinture russe : iconographie concise, sans détails superflus, palette claire, vive. Dans certaines œuvres de la même époque, on distingue pourtant des traits qui renvoient aux développements observés à cette période dans l’art byzantin, dont la multiplication des détails et le dramatisme des expressions. Après 1450, apparaît une iconographie de la Dormition spécifique à Russie, c’est-à-dire complétée par l’épisode de l’Assomption. Cependant, même ces œuvres tardives ne s’éloignent pas du modèle byzantin.

On notera enfin l’inégalité de la réception de ces influences en Russie. A Novgorod, ville lointaine du Nord, la peinture est d’un caractère plus original, « local » ; les goûts qui y prédominent sont plus populaires. Autre grand foyer artistique, Moscou fut une ville princière avec davantage de liens avec le monde byzantin ; sa peinture est souvent plus sophistiquée, élaborée et suit de plus près les développements dans l’art de Byzance. Ces influences furent enfin aussi très variées, provenant tant de la capitale et des villes majeures byzantines que des provinces de l’empire.

 

Le Mont Athos et sa périphérie : l’exemple d’ateliers actifs à Voskopojë au XVIIIe siècle.
Judith Soria (INHA/EPHE, 5e section)

Après la chute de Constantinople, la culture byzantine orthodoxe s’organise autour d’autres centres religieux et artistiques, souvent monastiques. Cette communication peut être l’occasion d’un éclairage sur les échanges artistiques entre le Mont Athos et les provinces voisines en particulier dans le Sud de l’Albanie, à la lumière des peintures murales réalisées à Voskopojë au XVIIIe siècle par différents ateliers qui ont également été actifs au Mont Athos. Les carrières de ces ateliers sont souvent méconnues et il reste difficile d’en connaître le développement. Il existe toutefois deux ateliers ayant travaillé à Voskopojë et au Mont Athos qui sont bien référencés, les frères Athanase et Constantin d’une part et David Selenica d’autre part. Pour ces deux ateliers, la place de leur travail sur la Sainte Montagne n’est pas la même dans le déroulement de leur carrière. En effet, l’œuvre de David Selenica peut être rattachée à un courant proprement athonite qui prône une retour au style et à l’iconographie de la période paléologue. En revanche, les frères Constantin et Athanase, originaires de Korça, forment un atelier épirote invité à travailler au Mont Athos, comme beaucoup d’autres au XVIIIe siècle.

C’est donc une relation d’échange entre le Mont Athos et sa périphérie, entre les peintres de tradition athonite et les peintres des provinces alentour qui viennent y travailler qui semble primer. En effet, la peinture athonite est enrichie par les artistes « provinciaux » qui sont appelés pour y travailler, et est exportée dans ses mêmes provinces par d’autres ateliers de tradition athonite.

 

Contexte économique et culturel aux Ve-VIIe siècles à Patara en Lycie : le cas du mobilier des thermes portuaires de Patara.
Dilek Sen (Université Paris I Panthéon-Sorbonne)

Cette communication consistera principalement à donner un aperçu de nos recherches pour notre thèse de doctorat intitulée « La céramique post-romaine de Lycie. Étude du mobilier des thermes portuaires de Patara « Hurmalik Hamami » ».

Placée à l’embouchure du fleuve Xanthos, non loin des établissements du Letôon et de Xanthos, Patara était l’une des six villes principales de Lycie, région qui se trouve aujourd’hui au sud de la Turquie. Centre politique important à l’époque grecque, Patara a su profiter surtout de sa position géographique privilégiée devenant aux époques romaine et protobyzantine le port marchand le plus important de la côte lycienne. Situés sur la voie reliant l’amphithéâtre à la porte dite de Modeste, les thermes du port (Hurmalik Hamami) sont un des quatre bains de la ville à l’époque romaine. Par son emplacement portuaire, le bâtiment thermal offre vraisemblablement une vision assez sûre de l’activité commerciale de la ville qui dépendait principalement de l’activité commerciale assurée par son port.

Dans le but d’identifier les différentes phases d’utilisation et de réaménagement du bain, les fouilles reprisent en 2005 ont révélé des séquences stratigraphiques complètes ainsi que des lots de matériel relativement bien préservés et qui semblent majoritairement appartenir à une phase homogène datée des V-VIIe siècles ap. J.-C.

Notre intérêt se portera particulièrement sur le mobilier céramique d’importation (terres sigillées, lampes et amphores) issu du secteur des thermes portuaires. L’étude de ces céramiques devrait donc permettre d’évaluer le dynamisme commercial de la ville et de définir les liens culturels avec les autres régions de Méditerranée orientale.

 

Les échanges artistiques entre Orient et Occident illustrés par un Livre de Job byzantin du XIVe siècle : le Paris. gr. 135 de la BnF.
Jeanne Devoge (Université Paris I Panthéon-Sorbonne)

Les quinze Livres de Job illustrés conservés jusqu’à ce jour dans les bibliothèques de divers pays reflètent une tradition byzantine qui remonte au moins au VIIIe siècle. Dans ces Livres a été recopié le texte de Job, agrémenté de commentaires patristiques et illustré par des cycles d’images plus ou moins importants. Ces images appartiennent pour la plupart au répertoire iconographique et stylistique byzantin ; les deux exceptions sont le Paris. Gr. 135 (deuxième moitié du XIVe siècle) de la Bibliothèque nationale de France et le codex Laud. Gr. 86 de la Bodleian Library à Oxford (milieu du XVIe siècle). Ces deux manuscrits sont les plus récents du corpus de Livres de Job illustrés ; si les illustrations du Laud. 86 témoignent clairement de leur appartenance au monde vénitien du XVIe siècle, il n’en va pas de même pour celles du Paris. Gr. 135. En effet, malgré la structure byzantine de ce Livre de Job produit à Mistra ou à Constantinople et le respect du cycle iconographique traditionnel, le style de l’artiste étonne par son éclectisme et son originalité. Au goût du détail viennent s’ajouter des emprunts artistiques venus à la fois d’Orient (conception de l’espace, motifs végétaux décoratifs, certains gestes des personnages) et d’Occident (architectures typiquement gothiques, codes vestimentaires).

Cette assimilation de techniques et de styles variés pose la question de la formation de l’artiste et incite à trouver des points de comparaison pertinents avec d’autres manuscrits copiés et enluminés dans le monde arabo-musulman et dans le monde occidental chrétien.

 

L’influence de l’art de la catacombe sur l’art de la mosaique de Syrie du Nord à l’époque byzantine.
Komait Abdallah (Université Paris I Panthéon-Sorbonne)

A l’époque byzantine en Syrie, les panneaux des mosaïques ont été ornés de motifs divers : géométriques, floraux, animaliers et architecturaux. Ces motifs ont marqué la rupture avec les traditions décoratives gréco-romaines qui ont dominé l’art de la mosaïque syrienne du Ier jusqu’au IVe siècle. Ce nouveau goût décoratif est lié sans doute à l’apparition du nouveau commanditaire qu’est l’Église.

À partir du Ve siècle, on constate la diffusion de scènes animalières dans les mosaïques de Syrie du Nord. Certaines de ces scènes sont composées de deux animaux symétriques, séparés dans la majorité des cas par un objet axial : les couples de paons affrontés d’un vase, d’oiseaux affrontés soit d’une fleur, soit d’une colonnette, de taureaux affrontés d’une fontaine, d’agneaux affrontés d’une amphore ou d’une inscription et de poissons affrontés d’une ancre.

Certains considèrent que ces motifs sont issus du répertoire oriental local et qu’ils sont exempts de toute influence classique. Cependant, certains de ces motifs sont déjà attestés dans les catacombes italiennes datées des IIe-IVe siècles. Il pourrait donc y avoir un rapport probable – tant iconographique que symbolique – entre l’art de la catacombe et l’art de la mosaïque en Syrie du Nord à l’époque byzantine. Tous ces motifs dessinés dans les catacombes de Rome portent des symboles chrétiens, ce qui confirme la valeur symbolique de ces mêmes scènes représentées sur les mosaïques. La représentation de ce genre de motifs, surtout sur des mosaïques pavant des sanctuaires, renforce cette idée.

Du fait de l’interdiction du christianisme à l’époque romaine, les premiers chrétiens affichèrent discrètement leur foi par l’iconographie des catacombes. Ce sont les chrétiens des provinces qui ont réutilisé les mêmes images symboliques aux Ve et VIe siècles dans leurs sanctuaires afin de présenter les mêmes idées, quand le christianisme était devenu religion d’État.