VOISIN LUDIVINE – L’Ancienne ou la Nouvelle Rome

L’Ancienne ou la Nouvelle Rome ? Les monastères grecs sous domination latine face à l’autorité universelle (XIIIe-XVe siècle)
Ludivine Voisin, Université de Rouen.

 La quatrième croisade fait basculer une majorité de Grecs dans la juridiction romaine et réalise, de fait, l’union des Églises d’Orient et d’Occident telle qu’elle est conçue par l’Église de Rome. La papauté, le patriarcat et l’Empire multiplient pourtant pendant deux siècles les efforts pour parvenir à une union acceptable par les deux camps, preuve du décalage entre une union fantasmée et une réalité plus complexe. La question du ralliement des Grecs, et en particulier des moines, à l’Église universelle dirigée par le pape a fait l’objet de nombreuses parutions d’historiens et de théologiens, nourris d’une littérature essentiellement constantinopolitaine qui alterne sincère ralliement et littérature de controverse. Le positionnement des moines grecs coupés du patriarcat mais fidèles à l’orthodoxie tout en étant intégrés à l’obédience romaine n’a pas encore été pris en compte du fait, sans doute, d’une documentation lacunaire et essentiellement établie par la chancellerie pontificale. Bien que fragmentaires, les témoignages de l’attitude des moines grecs face aux deux autorités revendiquées comme universelles – papauté et patriarcat, s’ils sont remis en contexte, doivent permettre de mettre en évidence la situation singulière des monastères grecs situés en territoires gréco-latins dans le conflit qui absorbe leurs frères de rite situés de l’autre côté de la frontière juridictionnelle. Cet exposé libre en français, dont l’objectif est de proposer des éléments de réflexion sur la question de l’identité monastique grecque à la fin du Moyen-Âge, s’inscrit dans nos travaux de recherches doctorales portant sur les monastères grecs sous domination latine, menés sous la direction du Professeur Gilles Grivaud de l’Université de Rouen.

HEDJAN JONEL – Le déchirement interne de la Serbie au XIVe siècle

Le déchirement interne de la Serbie au XIVe siècle : une opportunité pour l’Église de Byzance ?
Jonel Hedjan, Université de Paris IV-Sorbonne.

L’influence byzantine sur le développement politique et culturel des Slaves du Sud est bien connue. À partir du IXe siècle, l’organisation étatique et ecclésiastique de ces peuples, de même que leur culture (spirituelle et matérielle), portent des marques directement héritées de Byzance.

Cette présentation a pour but d’analyser, à la veille des conquêtes turques au XIVe siècle, les divers aspects des relations ecclésiastiques de Byzance avec son État voisin slave, la Serbie. Chronologiquement, nous avons choisi les années qui vont de 1346 à 1402. Elles correspondent à l’élévation unilatérale du Patriarcat de l’Église serbe, suivie de la proclamation d’Étienne Dušan comme „Tsar des Serbes et des Grecs“, jusqu’à la proclamation par l’empereur byzantin, après la bataille d’Angora, d’Étienne Lazarević comme despote des pays serbes. Durant cette période, de multiples changements politiques se sont produits et ont provoqué des transformations dans la vie de l’Église et de manière plus générale dans celle de l’État.

Les principales questions auxquelles cette présentation tentera de répondre sont donc les suivantes : quels furent, à la veille de la conquête turque, les enjeux des relations entre Byzance et la Serbie sur un plan religieux ? Comment ces enjeux ont-ils transformé la politique de Byzance au sein des Balkans ?

CIOLFI LORENZO – Quelques réflexions sur le « Βίος τοῦ ἁγίου Ἱωάννου βασιλέως τοῦ Ἑλεήμονος »

Quelques réflexions sur le
« Βίος τοῦ ἁγίου Ἱωάννου βασιλέως τοῦ Ἑλεήμονος».
Lorenzo Ciolfi, École des haute études en sciences sociales.

A l’époque de la quatrième croisade, le 12 avril 1204, les troupes étrangères, arrivées jusqu’au Bosphore l’année précédente sous le prétexte de soutenir le souverain légitime Alexis IV, entrent dans Constantinople après un court siège et s’emparent de la ville. Dans le même temps, l’empereur des Romaioi, Alexis V, s’enfuit précipitamment. Des jours terribles s’ensuivent pour la population de la ville impériale, en proie au pillage, à la profanation, à la violence et au carnage.

Le 16 mai, Baudouin de Flandres monte sur le trône de Constantin. Une nouvelle ère s’ouvre pour Byzance : elle se caractérise par des forces centrifuges et par une crise de l’idéal universel. L’ancienne unité bien consolidée de l’Empire byzantin se fragmente en un système aussi compliqué que varié de principautés féodales sur le modèle occidental et de nouveaux états dans lesquels se préserve, en une sorte de continuum, la civilisation byzantine : le Despotat d’Epire avec les Angeloi, l’Empire de Trébizonde avec les Grands Comnènes et l’Empire de Nicée avec Théodore I Lascaris.

Pendant ces années si difficiles Jean III Vatatzès, empereur de Nicée (1222-1254), fut sans aucun doute un personnage clé pour la reconquête de Constantinople : il était l’initiateur de réformes importantes sur le plan économique et sur celui de la structure de l’état; il mena d’importantes campagnes militaires et intensifia une activité diplomatique habile principalement envers le Pape et Frédéric II. En raison de ses réformes et de ses nombreuses œuvres de générosité envers les plus pauvres, il fut bientôt reconnu saint et son culte a été célébré jusqu’au début du siècle dernier. Quelques compositions encomiastiques et une Vie lui ont été consacré.

Afin de mieux retracer la figure de Jean III et de comprendre l’influence qu’il aura sur les deux derniers siècles de l’ère byzantine, il est important de redécouvrir et d’analyser le Βίος τοῦ ἁγίου ωάννου βασιλέως τοῦ Ἑλεήμονος, dont une nouvelle édition critique avec traduction et commentaire fait l’objet de mes recherches actuelles.

Dans la présentation que je propose, je contextualiserai les questions plus importantes liées à cet ouvrage (en particulier la tradition manuscrite, l’autorialité et la typologie textuelle) et j’offrirai à la discussion les premiers résultats de mon travail.

MARCHAND JULIE – La culture matérielle de la transition copto-byzantino-islamique en Egypte

La culture matérielle de la transition copto-byzantino-islamique en Égypte, du VIIe au IXe siècle.
Julie Marchand, Université de Poitiers.

 Le titre exact de la thèse en préparation est « Recherches sur les phénomènes de transition de Égypte copto-byzantine à l’Égypte islamique. La culture matérielle ». L’enjeu de cette recherche est de cibler la culture matérielle, grâce aux objets issus de fouilles anciennes et récentes, afin de mieux interpréter une époque jusqu’ici encore appelée de « transition », fort méconnue, souvent moins bien appréhendée lors des fouilles archéologiques.

L’étude de la culture matérielle permet de visualiser les objets du quotidien qui sont de bons indicateurs des changements politiques qui ont eu lieu en Égypte. Ils contribuent à déterminer quels ont été les héritages byzantins ou coptes sauvegardés, et quelles ont été les nouveautés apportées par les conquérants.

La problématique du sujet est donc d’expliquer les différents types de mobiliers, de déterminer quels sont leurs héritages exacts, et par quelles transformations, les objets deviennent-ils ceux que l’on attribue à l’époque islamique. Nous pourrons ainsi avancer les critères qui définissent les attributions culturelles (technique, iconographie, usage, fonction) lorsque cela sera possible, et s’il est utile d’en donner une. L’occasion est aussi donnée de faire un point sur le terme de « transition », de le définir au mieux, notamment par ses dates. Une telle étude sera aussi l’occasion de remettre le changement de religion du pouvoir en place dans un contexte domestique.

Enfin, nous pourrons présenter quelques objets caractéristiques de la période de divers matériaux, notamment de la vaisselle céramique, à travers les siècles qui nous intéressent. Quelques sites archéologiques de référence seront présentés et constitueront un support contextuel.

KHAN BENEDICTE – Le travail des matières dures animales au Proche-Orient protobyzantin

Le travail des matières dures animales au Proche-Orient protobyzantin :
Nouvelles perspectives
Bénédicte Khan, Université Paris I Panthéon-Sorbonne

L’artisanat de l’os, de l’ivoire et de la corne pour la période byzantine est mal connu au Proche-Orient, par manque d’intérêt des chercheurs pour ces matières parfois considérées comme peu nobles (à l’exception de l’ivoire), étant principalement utilisées pour fabriquer des objets « simples », de peu de valeur. Néanmoins, la variété des productions indique un usage quasi journalier de ces matières dans de nombreux domaines de la vie domestique ou artisanale, et la facture exceptionnelle de certaines pièces démontre l’existence d’un artisanat spécialisé et de qualité. Les pièces produites dans ces matières sont donc d’une grande importance quant à la compréhension du quotidien des byzantins.

L’industrie liée a elle aussi été quelque peu négligée par la recherche ; or, les ébauches, supports, et rebuts de fabrication issus de cet artisanat sont une source inestimable d’informations quant au savoir-faire des artisans, à travers la reconnaissance des techniques mises en place dans la production d’un objet et l’établissement de leur chronologie permettant le remontage des différentes étapes de la chaîne opératoire. D’autres données peuvent également être récoltées grâce à l’étude de ces rejets d’ateliers, concernant notamment les matières utilisées (espèces animales, parties anatomiques préférées), les relations des artisans avec d’autres métiers (la boucherie pour l’approvisionnement en matières premières, la métallurgie ou encore l’ébénisterie, les matières osseuses étant utilisées dans la fabrication de manches de couteau et/ou d’éléments de marqueterie), etc.

C’est par une étude technologique que ces matières sont abordées dans cet exposé (et dans notre thèse), car la richesse des informations qu’elle apporte ouvre un pan entier de la société byzantine jusque-là peu exploré.